La maison aux chats
Publié le 28 Avril 2011
Ils semblent accueillir de façon distante. Tout d’abord, un premier, bicolore sur fond roux, niche sur la branche la plus basse du premier arbre de l’allée verdoyante et fleurie, bordée d'arbres pensifs, scrute le passant, questionne silencieusement l’invitée qui s’aventure à franchir le long chemin menant à sa maison que garde un saule resplendissant près d'un puits enlierré, couvert d’un voile aux transparences du temps.
Désir de s’imprégner des couleurs et parfums de tout ce qui entoure, envoûte ce vieux corps de ferme, comme on dit, situé juste à la sortie du village.
Désir de retrouver l’être qui m’attend à l’ombre de tous les vacarmes de la vie.
Tiens ! un second au regard vert me fixe du fond d’une brouette aussi vieille que nos ancêtres. Bien sûr qu’il est noir et qui le sait. Il m’évince, peut-être me déshabille… C’est quoi son pouvoir ? Avoir de l’ascendant, sans jamais rien dire, sur les silhouettes multiformes, visiteurs d'un instant, qui arrivent chez lui.
Donner un contenu mystérieux à l’atmosphère tandis que je me dirige vers la porte principale rustique, grinçante mais réconfortante.
Désir de franchir le seuil enrosé de rouge de vie, de jaune soleil et blanc de vierge, fleurs ouvertes et généreuses, suspendues au gré du mur fissuré, fatigué, consentant.
Désir de m’approcher de l’être qui m'attend, qui m’entend du fond de son fauteuil avachi mais si complice de ses humeurs.
Tout est ouvert. Dans l’entrée, près d’un vase longiligne en grès bleu patiné, son bouquet de lavandes et brins de blé séchés… Quoi ? Un troisième rayé gris, tout petit, malicieux et joueur ! Je souris malgré l’aspect sinistre de ce couloir encombré de portraits photographiés, d’aquarelles jolies, de troubles miroirs dépareillés.
Les dalles sont usées des pas de toute une existence. Et j’avance en ralentissant mon cœur qui s’emballait juste avant dans le train de ma mémoire.
Non ! Un quatrième ! Certes je ne connais pas leurs noms et ne vis pas avec des chats. Mais j’ai l’impression d’être entrée dans un monde étrange où ces félins me toisent sans même me frôler. Ils ne me reconnaissent pas depuis le début de ma venue, dès l’orée de la maison de mon amie. Celui-là aussi a deux couleurs qui tranchent ; noir et blanc. Je l’aurais bien appelé Dé. C’est lui qui, perché sur un escabeau fleuri, sans même bouger, m’intimidant comme une enfant ; c’est lui qui m’indique qu’elle est là.
Sur ses genoux, le dernier, un chaton blanc comme son visage attendri.
Elle me donne, je lui prends ses mains d’amie de toutes mes vies.
Suzâme
(28/04/11)