DEFI 49: PROFESSION FILEUSE DE POEMES
Publié le 20 Février 2011
Si je vous dis qu’il n’en reste plus qu’une dans le monde ; que tous les apprentis poètes le savent et se précipitent sur sa terrasse, plumes contre sa vitrine sans décor, miroir teinté de vers multiples.
Attendre n’est rien lorsqu’on sait qu’une éternité sur deux la fileuse œuvre à son comptoir débordant de feuilles désordonnées et parfois insensées, lorsqu’on la voit recevoir un par un, ces donneurs de poésie.
Là, c’est un certain Eluard qui montre ses mains et le poème qui vient. Instantanément, le visage de la femme étrange devient lumière devant quelques mots extraordinaires extraits d’un carnet au cuir vert patiné presque secret : « …La terre est bleue comme une orange ...»
Elle sourit au poète ébloui par la clarté qu’elle renvoie dans tout l’espace de son magasin. Quand il disparait discrètement, emportant un fragment d’absolu, elle referme la lourde porte de sa vie et renonce à son merveilleux métier qui consiste à accueillir, découvrir, retenir, assembler les poèmes comme un collier invisible autour de chaque être.
Fileuse de poèmes ? Toute ressemblance avec une profession actuelle ne serait que pure coïncidence.
(16/02/11)