Croqueurs de mots, défi n°86 : Notre amour jusqu'où ?
Publié le 24 Septembre 2012
(*)
J’avais renoncé à tout ce chemin d’amour et assumais progressivement sa disparition. Nous étions pourtant un
couple formidable. Je porte encore en moi notre complicité. Alors pourquoi cette fugue ?
Si j’ai parfois pensé à ta mort jusqu’aux sanglots, je remercie l’ange qui m’a guidée sur cet indice au cœur d’un
livre, tout au fond d’un tiroir oublié alors que j’avais cessé toute quête depuis cinq ans.
Bien loin d’un carnet intime ou même d’un brouillon froissé, je découvris une carte postale de Biarritz, à
peine vieillie, non affranchie qui me rappela instantanément nos merveilleux séjours qui fêtaient notre amour et la naissance du printemps.
Après lecture, j’en déduis que tu me l’avais laissée. Oui, qu’elle m’était destinée. Je crois bien que ce fut ton écriture à la plume, à l’encre turquoise de tes yeux qui alors atténua mon émotion avant de lire tes mots :
«Je suis un
être à deux corps et ne peux plus vivre ainsi. Pardonne-moi. Je t’aime. Adieu.» Tu n’avais pas
signé cet écrit qui me parut incohérent sur le moment. Pourtant le mouvement de chaque lettre me rappelait ta fougue imprévisible en assauts amoureux et plus quotidiennement ton affection
constante.
Ce jour-là je restai allongée sur le ventre, les bras repliés sur moi-même, refusant de remuer toute
parcelle de mon corps. Si j’avais pu ne plus respirer.
Il me suffit d’une nuit aussi blanche que le jour puis je relis dix fois et plus ton message dont je ne finis par
comprendre que le lien géographique : Biarritz. Après m’être répétée jusqu’à l’obsession, le nom de notre ville, je décidai le week-end suivant de m’y rendre comme en pèlerinage.
-*-*-*-*
Ce fut lors de ma seconde promenade sur la grande plage en direction du Rocher de la Vierge que j’ai cru te
reconnaître. De suite, j’ai pensé me tromper. .. Ta silhouette me sembla si différente… Elle était… si svelte, si féminine! Discrètement, je t’ai devancé, me dissimulant sous mes sombres lunettes
à la Sophia Loren, mon foulard indien et mieux encore derrière mon appareil photo, sans même prendre un seul cliché.
J’ai su définitivement que c’était toi mon amour. Ton visage resplendissait de soleil et de paix.
Brusquement, je me suis échappée, contournant la foule de touristes et de croyants. Je n’étais plus moi-même.
Après une course vers l’oubli, épuisée, tête défaite, je m’assis face à la mer.
L’être n’est-il pas pareil à cette étendue insondable et captivante ?
Je me suis laissée apprivoiser par leurs murmures incessants jusqu’à ce qu’elles frôlent mes pieds presque
indifférents. Ah les vagues ! Elles m’ont éveillée à moi-même qui désarmée, commençait à sombrer dans une solitude extrême, sans secours du ciel.
En relevant mon front vers l’horizon, cette ligne d’infini qui nous traverse et nous approfondit, j’ai senti jusqu’où allait mon amour.
Suzâme
(23/09/12)
Croqueurs de mots pour le défi n°86 animé par Hauteclaire
(*) photo : routard.com